Prieuré de Camon

Camon en 2001

 
Anciennes graphies : CAMBO, QUAMBO, Sanctus Mariam Monasterii Cambonis.

Origine du nom :
Vient du gaulois cambo "courbe d'une rivière, méandre"
En passant par la langue romane, occitane, puis le français on a obtenu le nom actuel.

CAMBO > CAMBOU > CAMOU (prononciation en occitan moderne) > CAMON

 
Le monastère de Camon dépendant de l'ordre de Saint Benoît était dédié au Saint Sauveur et à la Vierge.

Il est fondé au début du 10ème siècle dans le diocèse de Toulouse  après  les abbayes de St Audard, de Lézat, et de Mas Gremier. En ces temps on assiste  à l'essor du monachisme bénédictin qui reçoit l'appui de l'aristocratie locale. Alors les institutions ecclésiastiques mélangent le spirituel et le matériel.  Les évêques et principaux dignitaires de l'église appartiennent à de grandes familles. L'élection épiscopale est soumise à l'approbation du comte et du vicomte. Elle s'accompagne traditionnellement du versement d'une somme en argent (munus ou domus). Cet usage s'appuie sur une tradition séculaire qu'on dit remonter au temps des fonctionnaires impériaux de la Narbonnaise. Ces ecclésiastiques sont bien avant tout des seigneurs jaloux de leurs pouvoirs. De nombreux abus appelleront bientôt la réforme grégorienne.

Le diacre Simplicius (ou Sulplicius) et ses frères Guitard et Armand appartenant à l'aristocratie locale, certainement apparentés aux lignages des vicomtes de Carcassonne et Razès, vont placer le prieuré de Camon sous la dépendance des Bénédictins de l'abbaye royale de Lagrasse (1). Il s'agit de gagner en indépendance par rapport aux pouvoirs des Comtes de Toulouse et de la maison de Carcassonne . En effet La Grasse qui place son origine dans un diplôme de Charlemagne, remis en 779 à Nifridus son premier abbé, est depuis une abbaye Royale.

 

Principales dates et sources écrites (2) :

929 : Le premier document connu dit que cette année là le prieuré de Camon reçut une donation de Tendard et de Béliarde son épouse. Il avait alors à sa tête l'abbé Sulpice ou Simplicius auquel appartenait le fond sur lequel il avait été construit.

943 : Camon passe sous la dépendance de l'abbaye de La Grasse de l'ordre de Saint Benoit d'Aniane qui est dirigée par l'abbé Suniaire (XIéme abbé de Lagrasse). C'est l'abbé Simplicius(ou Sulplicius) et ses deux frères Guitard et Arman qui remettent leurs possessions de Camon.  Ils consistent en "titres, terres, vignes, cultures et lieu non cultivés, moulins, points d'eau, bois, chênaies, prés pâturages ... " Ils donnent en même temps d'autres biens, le tout est considérable. Cela donne à penser qu'ils sont apparentés aux grandes familles de la région. Parmi ces biens les alleux de Saint Pierre(de la Bouiche), de Saint André de Corbiéres (1).
Ces biens dépendent de Toulouse, de Queille, de Foix, se situent dans le pays d'Olmes et le Razes. 
Simplicius met comme restriction qu'il jouirait du couvent, sa vie durant. Après sa mort son neveu devait faire de même ainsi que son successeur. Après leur mort le pouvoir de l'abbé de La Grace semble devenu absolu et sans partage.

999 : Etienne est le premier prieur mentionné dans un acte de cette date. Le monastère héberge 12 religieux.

1034 : Lors du partage entre Pierre Roger, évêque de Gironne, Comte de Carcassonne et Roger Bernard Comte de Foix,  Camon a le titre d'abbaye. Pierre Roger se la réserve.

1068 : Dans une donation du Comte de Foix Camon n'est plus qu'une prévôté dépendant de La Grace

1118 : Elle est mentionnée comme possession de la Grace (Lagrasse) dans une bulle de Gélase II.

1215 : Lors de la croisade contre les Albigeois, l'abbé de La Grasse proteste contre la remise, de certains biens anciennement sous la dépendance de Camon, à Guy de Lévis lieutenant de Simon de Montfort. Il en résulte une convention signée à Carcassonne le 10 août 1215. Ces biens resteraient aux seigneurs croisés qui les tiendraient en fief du monastère(3)

1237 : Bernard III d'Imbert prieur de Camon est élu XXXII éme abbé de La Grace le 09 juillet 1237. Il reçu une rente de 300 livres pour sa part des biens confisqués au hérétiques (4)

1318 : En créant l'évêché de Mirepoix (22/02/1317) le pape Jean XXII fixe à 12 le nombre des religieux. Pour augmenter le revenu de la mense conventuelle il lui unit le prieuré de Peyrefitte (bulle 12 août 1318).

1494 : Le manque de ressources incite les religieux à abandonner le monastère. Il reste seulement un sacristain. Le parlement de Toulouse informé de cet état des choses, intervient. Il séquestre les revenus. Il demande la reconstruction des lieux réguliers et oblige l'abbé de la Grace à y installer 6 religieux. Ils vont y rester jusqu'en 1608.

1498 : Philippe de Lévis évêque de Mirepoix devient prieur. Il fait reconstruire le prieuré. Ses armes ornent toujours la clé de voûte de l'abside et les contreforts de l'église conventuelle.

1597 :Vente des seigneuries de Sibra et de Pierreficte en Lauragais. Afin d'honorer la rente de 50 000 écus accordée par le Pape au Roi de France des biens du clergé doivent être vendus. Le prieur de camon Jacques de Villemur afin d'acquitter sa cote part met en vente les seigneuries de Sibra et de Pierrefitte en Lauragais Le 14 juin 1597 la seigneurie de Sibra échoit à Louis de George (5)

1608 : Le couvent est à nouveau abandonné. Cependant les prieurs continuent à en toucher les revenus.

1699 : Retour des moines

 

PRIEURS DE CAMON

Dom Devic et Dom Vaissette dans leur Histoire du Languedoc ont dénombré 27 prieurs au monastère de Camon. Six appartiennent à la famille de Villemur. 

A l'époque du développement des églises cathares puis de la croisade lancée contre elles par le pape Innocent III  nous avons à la tète du prieuré : 

  • 1172 Bertrand de Villemur qui deviendra évêque de Toulouse
  • 1180 Pierre de Clermont 
  • 1221 Palassin, Guillem de Tourouzelle, 
  • 1247 Peitavin, 
  • 1272 Pons du Villar, 
  • 1296 Bertrand de Castelnau. 

Philippe de Lévis évêque de Mirepoix.
(24éme évêque)

Philippe de Lévis, né en 1460 à Lagarde, est le troisième fils de Jean de Lévis et de Charlotte de Lévis qui eurent neuf enfants. Il est élu évêque par le chapitre de la cathédrale de Mirepoix. Le pape Alexandre VI lui confie le prieuré de Camon le 03/11/1498, puis le 27/12/1500 l'abbaye de Lagrasse. Il occupa la charge d'aumônier du roi de France. Ce fut un grand bâtisseur. Il reconstruit et embellit le prieuré de Camon (1503). Il agrandit la cathédrale de Mirepoix et fit bâtir la flèche octogonale en pierre, du clocher, haute de 35m. Il fit également édifier le palais épiscopal. Il consacrera la cathédrale le 11/10/1506. Il meurt dans la nuit du 28 au 29 août 1537. Il est enterré dans la cathédrale Saint Maurice prés de l'autel.

Son frère aîné Jean de Lévis seigneur de Mirepoix, Lagarde et autres lieux, fut sénéchal de Carcassonne et de Béziers ainsi qu'ambassadeur du roi de France Louis XIII auprès de Ferdinand le catholique (1504).

 

CAMON ET LE CHERCORB

Les prieurs de Camon avaient des droits sur le pays de Chercorb  (ou Kercorb). En 1273 c'est Jean 1er de Bruyères qui dispute des rentes à Pons de Villiers qui est à la tête du prieuré. 

Transaction entre Jean 1er de Bruyéres, baron de Chalabre, et le prieur de Camon Jordan de Rochefort, au sujet des fourches patibulaires d'Ourjaquet, lieu proche de Rivel actuellement dans l'Aude. "... ces fourches demeurant dans la terre du dit Thomas de Bruyéres à l'endroit d'Ourjac, le prieur en laissant l'entier abandon d'icelles, sera libre d'en élever en lieu et place qu'il sera en son aisance dans la terre de son prieuré ..." (archives du château de Chalabre d'après le Dr P. Courrent). Le prieur de Camon tenait à conserver les droits de haute, moyenne et basse justice apanages des tenants de fiefs. D'après Casimir Pont historien de Rivel les trois tours qui avaient supporté les bois de justice étaient encore visibles au début du 20éme siècle. (Histoire de la terre privilégiée)

 

LES HEURES NOIRES DU PRIEURE

Après les outrages des guerres de religion, la Révolution ... 
Le vendredi 04 février 1791 Les biens des bénédictins de Camon sont vendus  aux enchères comme bien national. Isidore Lassale de Chalabre en sera l'adjudicataire de tous les biens pour le montant de 60 500 livres. Il agit en particulier comme prête nom de François Jean de Bruyères marquis de Chalabre qui est intéressé par le moulin sur l'Hers(6)

En 1962 Raymond Escholier écrivait dans "Mes Pyrénées" : Le cloître de l'abbaye a été dépecé récemment et emporté au delà des mers par cette bande noire, antiquaires et vandales dont Victor Hugo dénonçait il y a plus d'un siècle les méfaits.
 

 


SOURCES

(1) - Elisabeth Magnou-Nortier, Recueil des chartes de l'Abbaye de La Grasse T1,  p89 Acte 54
(2)
- Dom C. Devic & J. Vaissette,, Histoire Générale du Languedoc, Edition 1892-1904 Privat Toulouse, Tome IV, Note CLVI (pour l'essentiel)
(3)
- Dom C. Devic & J. Vaissette, Histoire Générale du Languedoc, Tome VI 466
(4) -
Dom C. Devic & J. Vaissette,,  Histoire Générale du Languedoc,  Tome VI Nte 92
(5) - Joseph Laurent Olive, Documents et livres terriers concernant la seigneurie de Sibra et le prieuré Notre dame de Camon
(6) - Archives départementales de l'Aude, ventes de biens nationaux 1Q353

 


ISSN : 1626-0139
20/04/2003

 

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