L'ECOLE DE TREZIERS VERS 1950

Souvenirs d'école à Tréziers dans les années 1950. Récit de Mimi Fabre

 

En récréation, on joue aux barres ; il s'agit de courir vite et de ne pas se faire prendre, sinon on risque de rester prisonnier longtemps avant d'être délivré.

Quand il fait beau, on joue aux billes. On a le droit, parfois, de dire "pist" et de tirer la bille en s'appuyant sur le poignet dressé de  l'autre main.

Les jeux suivent le cours des saisons. Il y a l'époque de la marelle, le "palet" comme on l'appelle, à cause, sans doute, de la pierre plate qu' il faut placer dans les cases. Il y a celle du jeu de balle qu'on lance contre un mur en chantant la même mélopée:

  Libre, sans bouger,   
  Sans rire, sans parler                                 
  D'un pied, de l'autre, 
  D'une main, de l'autre, 
  Tapette, poissonnière  ( je ne sais pas pourquoi) ,          
  Sagesse, baiser,  
  Petit tour, moyen tour
  Grand tour

Et la grande corde que deux copains balancent sous nos pieds, en chantant la complainte:                                                                                                      

  A la salade
  Je suis malade    
  Au céleri     
  Je suis guéri     
  Vinaigre !  le rythme s'accélère jusqu'à épuisement du sauteur

On ne joue pas seulement dans la cour de l'école ; dans la rue aussi, il arrive que l'on joue au "tap", au bouchon si vous préférez. Sur l'extrémité aplatie d' un petit promontoire conique d'une quinzaine de centimètres de haut, chaque joueur place des pièces de monnaie ; en lançant un petit disque de métal, il s'agit de faire tomber les pièces le plus près possible de celui-ci.

J'ai bien peur que ce jeu ne figure pas au palmarès des jeux pour enfants…

Nous ne sommes pas des anges, loin s’en faut !

Un soir, je ne sais plus pour quelle raison, la maîtresse me dit: "A cinq heures, tu me feras vingt lignes !" Au moment de la sortie, je me faufile et je rentre à la maison. Le lendemain, rien ne se passe ; le surlendemain non plus... Je pense avoir évité la punition, quand un jour, la maîtresse m’interpelle : "Ce soir,  pas question de te sauver, tu dois faire, attends que je compte... quatre vingt lignes." Chaque fuite avait augmenté la punition de vingt lignes. Drôle d’ambiance, dans l’école, quand on est puni ! La peur au ventre en pensant au retour à la maison, on remplit l’ardoise une première fois, puis, on monte à l’appartement où madame, d’un doigt nonchalant, trace une croix sur notre pensum. Il reste encore de nombreuses lignes à écrire. Qu’à cela ne tienne ! Avec beaucoup de doigté, on répare les méfaits de la croix, et on réécrit seulement les mots effacés. C’est du bricolage, ça nous prend du temps, autant que d’écrire de nouvelles lignes, mais on se croit malin. Par chance, la maîtresse, si elle n’est pas dupe, n’en fait rien paraître. De toute façon, la durée de la punition aura été la même.

 

Un jour, grand affolement ! M., en s’agitant avec son porte-plume a réussi à se le planter dans le poignet. Le sang jaillit, inonde le bureau en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. On a du mal à comprendre ce qui s’est passé, alors, on pousse des hurlements. Seule, la maîtresse voit qu’il s’est "crevé" une veine et comprime sa blessure pour ramener M. chez lui. Inutile de nous recommander d’être sages, le choc nous a rendus muets comme des carpes!

 

J'adore faire le service. Avec un camarade, on doit préparer la classe avant l'heure de la rentrée. Cela implique qu'on arrive à l'école avant tout le monde. On a alors la sensation d'être un peu privilégié, on devient en quelque sorte des personnages importants et on fait avec enthousiasme ce que l'on ferait en traînant  les pieds si nos parents nous le demandaient. Jugez plutôt !

 

Il faut d'abord arroser la classe : à l'aide d'un entonnoir que l'on bouche avec le doigt, par intermittence, on laisse s'échapper un mince filet d'eau qui dessine des spirales savantes sur le plancher. L'idéal est de mouiller suffisamment sans inonder. Puis, on balaie avec ardeur. Je vous assure qu'il n'y a… presque pas de poussière.

 

Tiens ! La bouteille d'encre est vide, il va falloir en préparer ! J'aime son odeur un peu âcre et si particulière quand on la fabrique. On verse une dose de poudre colorée dans le flacon, on remplit d'eau et le tour est joué ! Il suffit juste de secouer vigoureusement un moment  et on peut vérifier les encriers de faïence blanche encastrés dans la partie supérieure des bureaux. D'abord, ne pas se tromper: encre rouge ou encre violette? Puis, avec mille précautions, on penche la bouteille au-dessus de l'encrier et à l'aide d'un petit embout fixé sur le bouchon, on fait couler le précieux liquide en surveillant attentivement le niveau, pour éviter un débordement intempestif.

Ah ! il faut changer l'eau des fleurs ! Et ces violettes qui sont devenues toutes blanches ! Quelle idée d'avoir mis de l'eau de javel dans leur vase !

 Dans la cour, la corvée des "cabinets" nous attend. Comme il n'y a pas de chasse, on vide quelques brocs d'eau dans chacun d'eux afin d'éliminer sur le sol toute trace de souillure.

 C'est fini pour aujourd'hui, mais pendant toute la semaine, on aura encore le droit d'ouvrir les armoires, de se servir en parfaite autonomie pour les besoins du service, bref, d'agir en petits patrons dans un lieu où l'on a plutôt l'habitude d'obéir.

Texte de Mimi Fabre


ISSN : 1626-0139
25/12/2003

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