LE PARÉAGE DE 1390
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Le Paréage est une convention de droit féodal français, par laquelle un seigneur, ici le Roi, offre sa protection contre la moitié des revenus de la seigneurie. Celle ci devient alors indivise. |
Le paréage est mis en place lors d'une période agitée. On est pleine guerre de Cent Ans. Les maisons de Foix et d'Armagnac sont en lutte. Des de Lévis sont dans les deux camps. Roger Bernard 1er de Lévis prend la succession de son père Jean II décédé. Il n'a pas confiance en ses vassaux . Plutôt bigot il dilapide sa fortune en donations à des établissements religieux. Avant son arrivée à la tête de la seigneurie il était en lutte avec son père. Le comte de Foix le traitait en ennemi. La population de Mirepoix lui était hostile et lui cherchait querelle à tout propos contestant son pouvoir. Il va chercher l'appui du Roi. Négocier un paréage avec le Roi de France c'était le moyen de de restaurer son autorité qui déclinait inexorablement et de soumettre ses vassaux récalcitrants. |
Par lettres patentes du 23 janvier et 14 mars 1390 (1) le Roi de France Charles VI ratifie
le contrat de paréage conclu entre lui et Roger Bernard de Lévis 1er, seigneur de Mirepoix.
Moyennant l'avance d'une somme de 3000 livres(3) et de la jouissance en viager des fiefs de Pechnautier et Villeséque-Lalande, actuellement dans le département de l'Aude, le seigneur de Mirepoix cède la moitié des revenus de la seigneurie |
Cet acte définissait les conditions d'exercice de la justice (haute,
moyenne et basse), les
obligations militaires. Il prévoyait la mise d'une garnison au château de
Mirepoix. Cet acte était avantageux pour les habitants de la seigneurie car ils se trouvaient de fait, en partie sous la protection du Roi, et non plus à la seule merci du bon vouloir du seigneur de Lévis. Les mirapiciens entendaient tirer le meilleur profit de ce paréage. Ils en jouèrent avec roublardise pour pratiquer un système d'équilibre au dépends de Lévis et du Roi. (2) |
Le grand perdant en terme de pouvoir était le seigneur de Lévis. Les descendants de Roger Bernard, meilleurs gestionnaires cherchèrent à rembourser ce prêt pour redevenir pleinement maîtres en leur fief. Ce fut la cause de maintes luttes entre les habitants de Mirepoix et les seigneurs de Lévis. |
En 1467 Louis XI qui apprécie Jean IV de Lévis ordonne la suspension du paréage à titre viager. Les habitants de Mirepoix entreprennent aussitôt des démarches pour obtenir le retour au régime du paréage sans succès. Sous le règne de Charles VIII, Jean IV de Lévis entend profiter de son avantage. En 1495, il verse une somme de 1000 livres au fisc au titre de rachat du paréage. Les habitants de Mirepoix offrirent au Roi la même somme pour revenir au paréage. Devant son refus ils s'adressèrent aux Etats du Languedoc qui les autorisèrent à collecter 1000 livres dans les communautés du paréage. |
Charles VIII favorable à la maison de Lévis mourut en avril 1498. Louis XII qui lui succède a une position plus favorable aux mirapiciens. Il les autorise à recueillir les fonds. Par lettre patente en 1500 il rétablit le paréage et demande que les coutumes soient respectées. Les 2000 livres que les collectivités avaient collectées furent refusées par le seigneur. La somme fut consignée au greffe du Parlement |
Les Etats du Languedoc siégeant à Béziers enjoignirent au seigneur de Lévis de mieux traiter ses vassaux. Les représentants de l'autorité royale s'installèrent à Mirepoix. En fait ils usurpèrent le pouvoir. Ils firent notamment remplacer, sur les portes de la ville, le blason du paréage par les armes royales. |
Jean Levis V seigneur de Mirepoix de 1493 à 1533, grand personnage, qui recevra le titre héréditaire de Maréchal de la Foi obtient par décision du 22 avril 1502 et du 14 juin 1504 que la juridiction entière lui soit accordée à titre viager. Il doit rendrai aux habitants la somme précédemment consignée pour le rachat du paréage. |
Son fils Philippe III qui lui succède n'a pas le tempérament bien trempé de son père. Les habitants de Mirepoix vont le harceler, devant le Parlement de Paris et le Conseil il obtiennent des décisions contradictoires. Lassé de ces querelles incessantes, le Roi François 1er par lettres patentes du 14 mars 1543 demanda le versement de 2000 livres au Trésor pour le rachat du paréage. Par cette mesure le seigneur de Levis n'était plus l'obligé du Roi puisqu'il acquittait sa dette. |
En 1574 Henri III est Roi de France. Les habitants de Mirepoix lui adressent une supplique. Il se plaignent que depuis que le seigneur de Lévis détient tout seul le pouvoir il ne respecte plus leur privilèges et leur coutumes. Ils souhaitent revenir sous la protection du Roi. Henri III les écoute avec bienveillance. En juillet 1577 par lettres patentes il demande au Parlement de Toulouse de rétablir les dispositions de 1500, donc le paréage. |
Mais ces bonnes dispositions du Roi ne devaient pas durer. Jean de Lévis III obtient de meilleures faveurs du souverain. Il n'hésite à déclarer que les actes signés en faveur des mirapiciens avait été soutirés en trompant sa bonne foi. Ils étaient nuls et non advenus. Il confirma en 1586 les décisions antérieures laissant aux de Levis la libre disposition de leur fief. |
Toutefois ce paréage continua à donner lieu à discussions pendant encore des décennies. |
C'est Louis XIV qui en finira avec cette institution. Par lettres patentes du 16 juin 1651 le paréage fut supprimé en faveur de Gaston Jean Baptiste de Lévis I |
Le paréage s'appliquait à Mirepoix et à trente deux localités de la seigneurie.: |
MIREPOIX, BALAGUIER ,CABANAC (ou Cavanac ancien village sur le territoire de la commune de Roumengoux), CARLA ROQUEFORT, LE CASAL DES FAURES, DREUILHE, DUN, L'ESPINOUS (Ancienne paroisse de L'Espinoux. Commune de Plavila), GINIBREL, GUEYTES , ILHAT, LES ISSARDS, LAROQUE D'OLMES, LAVELANET, LIEURAC, MALEGOUDE, MAZERETTE, MONTAUT, PEREILLE, PIERREFITTE, PLAVILLA,POMY, LE QUIE (ou aussi : Alquiè, Alquier, Elquié. Ancien village sur le territoire de la commune de Roumengoux), RAISSAC, RIEUCROS, ROGLES, ROQUEFORT, LE SAUTEL,ST JULIEN DE GRAS CAPOU, SENESSE DE SENABUGUE, TREZIERS, TROYE, VIVIES. |
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Cette institution fut défendue, au cours de siécles, par les populations qui trouvaient là le moyen de préserver leurs coutumes en jouant le pouvoir du Roi contre celui du seigneur.. |
(1) Siméon Olive Archives de Léran T3,p115 - Pasquier indique
27 juillet 1390 et 22 octobre 1390 à la cour des comptes. (2) Felix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix T1, Privat, Toulouse, 1921 (3) I. Deloume, Le paréage de Mirepoix, Société ariégeoise des Sciences Lettres et Arts de Etudes du Couserans, vol 18 p37-40 |
ISSN : 1626-0139 |
20/01/2013 |