LES PETITES ÉCOLES DU DIOCÈSE DE MIREPOIX
L'Enseignement
dans les petites écoles du diocèse de Mirepoix à la fin du 17éme siècle.
Dans son "Instructions pour les petites écoles du diocèse
de Mirepoix", rédigées par C. Le Febvre ancien professeur
au collège des Grassins, Pierre de la Broüe évêque de Mirepoix fixe la manière
dont les enfants doivent apprendre à lire et à compter tout en assimilant une culture
religieuse.
APPRENDRE A LIRE
En 1699 l'alphabet utilisait communément que 23 lettres :
a, b, c, d, e, f, g, h, i, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, x, y, z. Le
"j" appelé Jau et le "v" appelé vau ou vé n'étaient pas
d'usage courant.
L'apprentissage s'effectuait en cinq étapes :
1 - La reconnaissance des lettres
Il est demandé que les lettres soient apprises dans le bon ordre "qu'il ne faut point
changer, tant pour son antiquité, que pour son usage pour servir à marquer les
nombres et l'ordre des choses entre elles".
2 - La distinction entre voyelles et consonnes
"Lorsque l'enfant connaît sûrement et facilement toutes les lettres,
il arrive à distinguer les voyelles des consonnes. On lui dit que les
voyelles sont des dames et leurs filles suivantes".
3 - Apprentissage des syllabes
Plus tard il apprend les syllabes, à partir des voyelles (a, e, i o, u), puis
des diphtongues (ai, ei, oi, au, eu, ou), les consonnes précédant les voyelles
puis l'inverse
4 - Déchiffrage de mots latins choisis
Ensuite on passe à l'apprentissage de la lecture avec des listes de
mots choisis. Dans le diocèse de Mirepoix il est préconisé l'utilisation de
mots latins. C. Le Febvre estime que cette langue est la plus apte au déchiffrage
:
"...car en français il y a beaucoup de diphtongues et le nombre de voyelles
changent de prononciation selon le cas". On utilise de préférence des noms de saints ou
des noms de lieux des évangiles : JOB, JUDA, SALOMON, JÉRUSALEM.
5 - Apprentissage et maîtrise de la lecture
Dans une dernière étape l'on cherche à obtenir la maîtrise de la lecture. On va
s'exercer à respecter la ponctuation et même à déclamer des vers. L'auteur
recommande l'utilisation d'ouvrages écrits "pour les enfants, de manière
chrétienne, à l'exclusion d'ouvrages traitant des sciences et des arts".
Il recommande : Le
catéchisme historique, La vie de Jésus Christ, Les figures de la Bible. "On y
trouve des histoires tirées des écritures saintes qui ne manqueront de leur
plaire et d'où les maîtres zélés prendront occasion de les instruire et de
parler de Dieu".
ORGANISATION DE LA CLASSE
Il est indispensable que les écoliers d'une même classe aient tous le même livre. Le
maître les fait lire les uns après les autres, à haute voix. Ceux qui ne
lisent pas, afin de rester attentifs suivent celui qui lit en épelant tout bas. L'on répète autant de fois que nécessaire.
Après cette première lecture le maître pose des questions pour expliquer et
définir, autant qu'il se peut, les mots que les enfants ne comprennent pas. Plutôt
que des définitions il utilise des descriptions et des exemples.
Ensuite il propose toutes les questions nécessaires pour comprendre le texte.
Exemple :
Phrase lue : Dieu créateur et Souverain Seigneur de toutes choses et tout
puissant a fait le monde de rien par sa seule parole.
D'abord le maître demande la signification des mots : créateur, seigneur..
Ensuite il pose les questions : Que dit-on de Dieu dans ces paroles ? Qui est
le tout puissant ?
Ces questions s'adressent tantôt aux uns tantôt aux autres.
Pour finir il choisit un bon lecteur à qui il fait relire. Il lui demande de
bien observer la ponctuation. "C'est à dire qu'il fait une courte pause à
la virgule, une plus longue aux deux points en soutenant un peu la voix, une
fort longue au point en baissant un peu la voix et en l'élevant un peu si c'est
un point d'interrogation".
Enfin "il conclut l'exercice en se faisant rendre compte de toute la leçon qu'il
se fait résumer".
C. Le Febvre insiste sur la pédagogie du maître : "Une maxime capitale
devrait être écrite en lettres d'or dans toutes les écoles: ne rien faire
lire ni apprendre aux enfants qu'on ne leur ait expliqué".
PRÉPARATION A L'ARITHMÉTIQUE
"On doit exercer l'enfant dans ce qui est à sa portée". C. Le Febvre demande de
"ne pas les embarrasser avec des sommes composées d'unité monétaires
comme les livres, les sols ou les deniers"
On explique les quatre opérations avec de petits nombres entiers :
Pour
l'addition et la soustraction on utilise au maximum 3 chiffres (325+343,
203-102).
Pour la multiplication et la division une unité seulement ( 24*2,
27:3).
UN ENSEIGNEMENT JANSÉNISTE
Dans l'esprit de ces "Instructions" la destinée de chaque enfant est fixée par Dieu.
Dans les
Petites Écoles du diocèse de Mirepoix l'enseignement s'adresse aux enfants du peuple. Il
n'a pas à changer leur condition. Au delà des apprentissages son objectif principal est de les instruire
dans la doctrine chrétienne. Apprendre à lire c'est d'abord lui permettre
de participer à la liturgie. D'où le choix du latin pour apprendre à lire et l'importance
donnée à la déclamation.
A coté des textes religieux, Racine (Athalie,
Esther) est l'auteur qui monopolise les faveurs du rédacteur des instructions. Ses attaches avec l'abbaye de Port Royal, haut lieu
Janséniste, ainsi que l'illustration, dans ses oeuvres, de la force du destin, ont
certainement influencé ce choix.
Il est exclus de détourner les enfants de leur chemin tracé vers Dieu en
utilisant d'autres livres que ceux préconisés : "Ils sont pleins de
raisonnements, de mots métaphysiques qui les rendent inintelligibles aux
enfants et à ceux qui n'ont pas l'usage ou les lettres du monde". En
d'autres termes, les Sciences et les Arts ne sont pas destinés aux enfants des
paroissiens ordinaires. Dans le même registre, pour l'apprentissage du calcul, on
se gardera bien d'utiliser des grandeurs monétaires. La raison de complexité,
évoquée pour ne pas apprendre à calculer avec des sommes d'argent, ne
tient pas, car les autres unités de mesures en vigueur en cette fin de 17éme siècle
dans le diocèse de Mirepoix, longueurs, surfaces, volumes, le sont tout autant.
La réalité est que pour l'Église le commerce de l'argent
n'est pas une activité très chrétienne.
Le devenir de l'enfant est scellé. On apprend la grammaire seulement à ceux
qui sont destinés à l'étude du latin, donc à la carrière ecclésiastique.
Les maîtres doivent être "zélés à instruire les enfants et les porter
à Dieu". Ils convient d'insister sur le danger qu'il y a de sortir du chemin qu'il
leur est tracé :
"Dés le commencement il y eut dans l'Église des faux frères
et il s'y trouva des méchants mêlés avec les bons, ce fut la cause de
divisions qui troublèrent la paix de l'Église. Il se trouva des esprits
superbes et curieux qui ne reçurent pas toutes les vérités de l'Église et
qui ne crurent que ce qui leur plaisait. On les appelle hérétiques. Il y en a
d'autres qui se séparèrent de leur pasteur légitime (le Pape) on les appelle
schismatiques".. C. Le Febvre est très explicite "c'est la tradition
qui nous a transmis les Écritures, qui nous a donné le symbole de la
Foi",. hors d'elle il n'y a pas de salut.
L'histoire de l'humanité est celle écrite dans la Bible. Il y a sept ages. Le
dernier a commencé avec la naissance du Christ et de l'Église, 4000 ans après
la création du monde par Dieu. "Le monde est assiégé par les démons qui dés
le commencement unissent tous leurs efforts pour détruire l'Église". Dans ce
monde hostile les Juifs sont régulièrement mis à l'index. On leur reproche
d'avoir, poussés par le démon, persécuté les premiers chrétiens dont Saint
Etienne le premier martyr lapidé à Jérusalem. L'antisémitisme est sous jacent.
Un exemple frappant est donné par ce vers alexandrin destiné à la
déclamation : "On doit de tous les Juifs exterminer la race".
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to : Robert Faure
ISSN : 1626-0139
20/01/2001